Tout avait commencé par ces quelques gouttes de pluie tombante sur le toit métallique de la cabane. Cela résonnait dans toute la petite pièce.
A la fois douce musique et bruit assourdissant. Cela dépendait du moment.
Je regardais par la fenêtre ... L'orée de la forêt n'était pas bien loin. Sous l'effet de la pluie, la scène semblait irréelle. Comme un voile qui recouvrait le tout, comme l'ouverture vers un autre monde, les arbres semblaient vibrant de vie. Pourquoi je voyais ce moment ordinaire comme quelque chose de particulier ? je ne saurais le dire. Quelque chose m'attirait là-bas.
La pluie devint plus forte, déferlant comme une vague sur la maisonnette.
Il commençait à faire froid ici, froid et humide malgré le petit feu de bois dans la cheminée. La maisonnée m'avait abritée depuis un peu plus d'une semaine. Et sans m'en rendre compte, je commençais à m'y sentir chez moi. Une petite table, deux chaises chancelantes, une petite étagère et un lit dans un coin. Pas grand chose mais juste ce qu'il fallait pour être bien. Sur les murs, des centaines de photos épinglées, des photos en noir et blanc, vieillies ou à moitié brûlées. Je n'avais jamais pris la peine de les regarder attentivement, bien que je sache parfaitement quel en était le sujet principal ... la bête.
Pour l'instant, il faisait encore jour. Je pris mon manteau. L'envie soudaine de sortir sous cette pluie violente m'avait saisie tout d'un coup.
J'ouvris la porte et, regardant vers la forêt, je souris. Je me couvris de mon capuchon. En me croisant un instant dans le vieux miroir qui se trouvait près de la porte, une image me vint à l'esprit. Ne serais-je pas en train de devenir le petit chaperon noir. Noir comme ma veste, noir comme mon âme. Je souris encore et ferma la porte derrière moi.
J'avançai lentement sur le petit chemin qui se dirigeait vers la forêt. Comme l'odeur était agréable. Oui, la pluie a cette odeur qui appelle aux souvenirs, sentir l'eau sur moi, me sentir libre, libérée de tout. Entourée de cette musique agréable et de cette solitude qui règne dans ces moments-là , oh oui, je me sentais si bien.
Je m'arrêtai un instant devant cette forêt grandiose et, pour moi, le passage vers un autre univers, l'antre de la bête.
Le jour commençait à décliner mais sous la grisaille, on ne pouvait pas vraiment sentir la différence.
J'eus une hésitation. Devais-je y entrer ? Oui, c'était mon destin. Trop de choses me liait à lui. C'était ça ou ... Non, il ne fallait pas que je pense à ce choix immonde.
Je pénétrai enfin dans la forêt. La pluie, mêlée de vent, jouait de sons troublants sur les feuilles des arbres ainsi que sur le sol de feuilles mortes. Je suivis ce qui semblait être un tracé à travers les fourrées. Je marchai pendant plusieurs heures. La nuit commença à réellement prendre le pas sur la grisaille. Je n'avais pas pensé à prendre de torche. J'avais avancé pendant tout ce temps, perdue dans mes pensées.
Je me décidai à rentrer. La pluie n'avait pas cessée. Le vent me giffla le visage, l'eau était glaciale.
Un peu perdue, j'essayais de me rappeler par où j'étais passée.
Tout d'un coup, un bruit, une branche que l'on avait brisée.
Je frissonnai. Je savais que c'était lui. Il m'avait observée depuis le début. Je n'osais pas me retourner.
Je continuais à avancer simplement, comme s'il n'était pas là.
Soudain, je sentis une terrible douleur dans le dos. Je tombai à terre. Me retournant prudemment, je ne vis rien. Je me relevai et continuai à avancer. Quelques minutes plus tard, je sentis à nouveau un coup à ma jambe. Et tout de suite après, au bras. Je jetta un coup d'oeil rapide derrière moi, et je crus apercevoir une forme, une ombre, partir vers un buisson. Je regardai ma jambe et mon bras. Tous les deux étaient en sang. Je décidai alors de m'asseoir et d'attendre. Puisque d'avancer me faisait souffrir, j'allais patienter et l'affronter.
La pluie s'insinuait de plus en plus dans mon manteau. Mes cheveux roux avaient frisé sous l'humidité. J'aurais dû vivre une vie simple et sans histoire. Mais non, il avait fallu que je me retrouve embarquée dans cette histoire.
Enfin, il était là, face à moi. J'osais à peine croiser son regard, son regard en colère et destructeur. C'était mon destin après tout.
Il prononça ces mots avant que je ne périsse : "tu es étouffante...".
Il me sauta dessus, déchirant ce qui était ma gorge, se repaissant de mon sang sous la pluie dégoulinante.
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