J'ai vu ce sacré monde pour la première fois un 26 septembre 1433 dans une auberge, et mon premier contact liquide ne fut pas l'eau bénite, mais la bière, qui coule à flot dans cette gargote. La seule chose dont je me souviens c'est pas ma mère, ni mon premier chialement, ni l'aubergiste frottant ses verres, mais c'est la teinte brune, le remugle visqueux et la mousse poisseuse de ce qu'ils appelaient "leur cervoise". Beaucoup plus tard, j'ai appris à apprécier cette boisson ( Kwak, Kasteel, Binchoise, Chimay, Karmeliet, St Bernardus, Leffe, Rochefort, Orval: tant de noms qui sonnent comme autant de saveurs sur mon palais...) mais quand tu viens de sortir et que tes sens commencent juste à s'éveiller cette mixtion de sensations est de trop. J'ai passé mon enfance dans cette taverne à écouter les palabres des contadins, les homélies des pèlerins, les discutailleries des façonniers... A 14 piges, j'en suis ressorti plus savant que le fils du Roy lui-même, faut dire que la vie ça s'apprend pas au palais! Ouais... j'en ai appris des choses et j'pensais en savoir assez pour partir sur le chemin. J'avais tout entendu: la misère des pétrousquins, leur labeur, forcé et mal appointé, les taxes qui leur bouffent jusqu'aux tripes de leurs moujingues pendant que les calotins se pâment devant les dorures de leurs paroisses. La dîme, la taille et la gabelle c'était vraiment pas pour moi: j'avais pas du tout envie de stipendier Roy, seigneurs et curetons, alors je suis parti, j'ai parcouru lés, laies et layons, me sustentant de chasse, pêche et cueillette en risquant souvent de me faire enquinauder mais réussissant toujours à enfiller la venelle... Mais au bout de plus de 7 piges passées sans compagnie, j'avais envie de revoir hommes, femmes, enfants.
Je souhaite tout d'abord rencontrer beaucoup de monde, apprendre à faire confiance et recevoir celle de mes rencontres (voire mes aminches...pourquoi pas!), mais je veux mériter cette confiance ainsi ne me proposez pas d'échanges par missive, ça ne servirai qu'à peaudezébie... Je souhaite aussi exercer mon travail en respectant femmes, enfants, hommes ainsi que les animaux et Dame Nature (cette belle Hôtesse qui sans façon, m'a souvent donné quatre bouts de pain quand dans ma vie il faisait faim). Mais je suis aussi digne de respect qu'un autre, adonc je ne veux pas vendre ma force de travail pour quelque rognure que ce soit.
14 Octobre:
Pour gagner quelques écus je me suis donc installé au hasard dans le premier patelin que j'ai vu: Fécamp.
10 Décembre:
J'ai quitté Fécamp qui devenait une ville fantôme et suis parti rejoindre mon amie Eliane à Narbonne.
8 Février:
Bettie a été élue maire de Narbonne, je deviens son Adjoint.